La compagnie

La compagnie des Bêtes sur la Lune a hérité son nom de la première pièce de théâtre contemporaine que Thiane Khamvongsa, fondatrice de la compagnie, a vu lorsqu’elle avait tout juste 18 ans. Le texte de Richard Kalinoski, mis en scène par Irina Brooks, fut pour elle une révélation : le théâtre permet de nommer les choses innommables, il permet d’exprimer les émotions complexes et de raconter les histoires oubliées avec trois fois rien. Plus de dix ans plus tard et une formation d’arts dramatiques en poche, le pari est lancé, et la compagnie voit le jour en 2010 autour de sa première création « Au revoir Pays » qui rafle le prix Jeune Talent de Paris la même année.

En 2013, la compagnie déménage avec sa directrice au Laos. Ses rencontres avec les marionnettistes de la compagnie laotienne Khao Niew ainsi qu’avec les jeunes danseurs de la compagnie Fanglao enrichissent encore sa pratique du théâtre en déclenchant une velléité de travailler non seulement avec des objets mais encore plus avec le corps sur scène et donc d’employer le langage de la danse sur le plateau. Depuis, Les Bêtes sur la lune collaborent régulièrement avec ces 2 compagnies.

Thiane, qui écrit et met en scène les créations de la compagnie, souhaite proposer un théâtre hétéroclite, tout public et populaire, autour de thématiques actuelles et sensibles. La compagnie s'axe sur un travail corporel de l'acteur, mêlant souvent plusieurs disciplines (théâtre, musique, marionnettes, danse, chant) tout en jonglant avec plusieurs registre théâtraux : le théâtre jeune public, le théâtre de rue, le théâtre burlesque et clownesque, la marionnette, le conte,... 

La question de la transmission est depuis le début au cœur de son travail et dicte toujours l’assemblage de son équipe. Estimant que la formation continue est un élément essentiel de la construction théâtrale, la compagnie rassemble sur ses projets des équipes hétérogènes avec des artistes venus de tout horizons. S’obstinant à inviter « l’Autre » à la rencontre théâtrale, pour découvrir son art et sa pensée, et démontrer la richesse culturelle, elle invite toujours des artistes internationaux à se saisir de ses mots. Certaines pièces ont été montées avec des comédiens et danseurs venant de 4 continents différents et chacun parlant leur langue maternelle dans la pièce. Avec ce mode de fonctionnement, les artistes participent donc d’une action collective éducative, culturelle et d’influence, les uns envers les autres. Ce n’est pas un théâtre d’ambition, mais bien un théâtre de partage. 

Pourquoi ce nom "les Bêtes sur la Lune"?

"En souvenir de la pièce de Richard Kalinoski, la première pièce de théâtre que j'ai vu, en 1999 à l'âge de 18 ans. Je n’avais jamais été au théâtre sauf pour une représentation de l’Avare en sortie scolaire en CM2, pièce qui m’avait laissée prodigieusement indifférente (« ils parlent bizarrement et puis qu’est-ce que c’est long », me suis-je dit à l’époque du haut de mes 10 ans). Mais là, sur la scène nationale du Théâtre de Sartrouville, quand Simon Abkarian est entré en scène j’ai eu une révélation : le théâtre permet de nommer les choses innommables... Il permet d’exprimer ces émotions que nous ne savions même pas avoir en nous, de raconter les histoires oubliées avec 3 fois rien ! Le pièce s'intitulait Une bête sur la Lune, mise en scène par Irina Brooks et racontait l’histoire d’un homme et d’une femme de la première génération d’Arméniens, qui ont survécu au génocide perpétré par les Turcs en 1915, et qui ont réussi à émigrer vers les États-Unis, terre d’accueil et de liberté. C'était la confrontation entre deux mondes, l’ancien et le nouveau : le monde de la tradition, de la répression, mais aussi le monde qu’on a aimé et perdu, contre le nouveau monde, celui de la modernité et de la soi-disant liberté propre aux pays occidentaux. C’était notre histoire à tous, réfugiés, immigrés. Elle a mis des mots sur une émotion encore mal définie à l'époque. Je ne savais pas décrire le mal-être qui accompagne le fait d’être un étranger qui apprend à vivre dans un autre pays que le sien, coincé entre 2 mondes. C’est ce qui m’a donné l’envie de créer la compagnie des Bêtes sur la Lune : un espace de liberté ou l’on allait créer des pièces qui racontent enfin nos histoires ! Celles des enfants venus d’ailleurs, qui ont grandi ici. Et dans ce lieu, on pourrait échanger et apporter nos envies, nos impulsions, nos expériences, nos métissages… Dix ans plus tard, le pari est enfin lancé, et la compagnie voit le jour en février 2010 rassemblé autour de sa première création « Au revoir Pays ». Cette compagnie, je le vois comme une seconde famille destinée à créer un espace de liberté autour de l’artiste. Elle deviendra, je l’espère, un lieu de création contemporaine où les frontières entre les différents arts de la scène (théâtre, danse, musique, art visuels...) sont de plus en plus ténues, ou l'on se soutient, et où l’on mélange des arts et des histoires venus du monde entier."